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Auguste Chevalier (1873-1956) : un enfant du pays, explorateur et botaniste

Auguste Chevalier est un personnage central des sciences du végétal de la première moitié du XXème siècle. On peut dégager deux périodes dans sa carrière scientifique :

  • Jusqu’en 1920, excepté ses premières publications sur la botanique en Normandie, c’est l’explorateur qui à travers ses diverses missions, décrit des plantes nouvelles ou peu connues et contribue ainsi à l’inventaire des richesses de l’Empire.
  • A partir de 1920, il étudie plus souvent en laboratoire et crée dès 1921 « la Revue de Botanique Appliquée », dans laquelle il publie ses travaux.

Né à Domfront, dans une famille de petits cultivateurs, rien ne le prédestinait à devenir explorateur.

Après des études en Sciences Naturelles, à la faculté de Caen, il entre au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris pour terminer sa thèse en botanique.

 

Carquois et sac en cuir. Afrique.

Une première expédition militaro-scientifique au Soudan

 

En 1898, une expédition militaro-scientifique s’organise pour aller prospecter et étudier le Soudan français. Le Général de Trentinian, qui vient d’être nommé gouverneur du Soudan, a décidé d’emmener une mission de scientifiques. Il demande au Muséum de lui désigner un naturaliste, de préférence botaniste pour étudier les ressources végétales du pays.

Au Muséum, on ne trouve personne, car le Soudan a très mauvaise réputation. On l’appelle « terre de sang, terre de feu, terre de fièvre, terre de mort ». Auguste Chevalier est désigné sans même qu’il soit consulté. D’abord, il refuse, mais le Général finit par le convaincre d’accepter, « Le Soudan est un magnifique pays où il y a du travail pour un jeune botaniste comme vous », et le nomme au grade de capitaine.

Le directeur du Muséum approuve son départ et lui demande de ne pas se limiter aux plantes, mais de s’intéresser aussi à la faune, sur laquelle on n’a aucune connaissance.

Auguste Chevalier dira plus tard :

« Voilà comment je suis devenu explorateur soudanais et botaniste colonial sans l’avoir recherché et presque malgré moi ».

Ce premier voyage dure 16 mois, il parcourt 16 000 km et rapporte 5 000 numéros d’herbier, des notes, photos, croquis et toutes sortes de matériaux relatifs aux Sciences Naturelles et à l’ethnographie.

 

A son retour, il témoigne de la difficulté à rassembler des collections botaniques dans un pays tropical :

« La peine que j’ai dû avoir pour former ces collections dans un pays nouveau, non organisé, et à peine pacifié, où il fallait chaque jour lever la tente pour aller camper à 25 ou 30 km plus loin, et transporter par tous les temps, ces mêmes collections qui comprenaient à mon retour environ 3000 numéros, 10000 parts d’herbier et plus de 2 tonnes d’échantillons de bois, de plantes dans l’alcool et de produits végétaux divers ». (1899)

Objets ethnographiques

Collection d’objets ethnographiques africains donnés par Auguste Chevalier à M. Alasseur. 

Collection privée, famille Alasseur.

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Des écrits remarqués

 

De par ses origines rurales, Auguste Chevalier est à l’écoute des savoirs paysans. Il observe les plantes cultivées et les pratiques agricoles des africains et publie en 1900 une remarquable série d’articles sur les agricultures paysannes de l’Afrique tropicale. Il adopte une position singulière et ne méprise pas les aptitudes agricoles des colonisés.

Ces collections figureront à l’exposition universelle de 1900, dans le pavillon Sénégal-Soudan et il est plusieurs fois médaillé pour l’exposition des produits économique du Sénégal et du Soudan.

« Ces collections me firent entrer de plein pied dans le monde des africanistes. J’étais conquis par l’Afrique pour toujours et j’allais lui vouer désormais ma vie ».  

En juillet 1900, le 4ème Congrès international de Botanique se tient à Paris, et Auguste Chevalier y fera une première communication très remarquée sur la végétation et la flore de la région de Tombouctou. Il soutient sa thèse en octobre 1901 et rêve déjà à un autre grand voyage d’exploration au centre de l’Afrique.

Thèse d’Auguste Chevalier (1901).

Nouvelles missions en Afrique

 

Auguste Chevalier part en mai 1902 pour une mission Congo – Oubangi – Chari – Lac Tchad qui durera 2 ans et dont il rapporte un riche matériel relatif à toutes les branches des Sciences Naturelles, même s’il se consacre plus spécialement à la botanique, à l’étude des populations et à la biogéographie.

En 1904, il est distingué Chevalier de la légion d’honneur et la municipalité de Domfront organise une grande réception au théâtre pour fêter l’enfant du pays.

 

A partir de ce moment, il organise sa vie en deux temps :

  • l’étude de ses collections rassemblées à Paris (description des espèces nouvelles et publications)
  • la poursuite de ses voyages à travers l’Afrique afin de continuer à rassembler des documents botaniques

 

En 1907, il prend la direction du « Journal d’Agriculture Tropicale », jusqu’à la disparition de ce dernier pendant la première Guerre Mondiale.

En 1908, paraît l’ouvrage « L’Afrique Centrale Française », une somme de presque 800 pages, auquel diverses sociétés de géographie accordent leur grand prix.

Entre 1905 et 1913, Il effectue quatre voyages successifs en Afrique Occidentale Française, notamment au Gabon, au Congo Belge et sur l’île de San-Thomé (prospection botanique de 4 mois) et il se consacre à l’inventaire des bois de la forêt africaine.

Statuette Kissi, Pomdo. Guinée.
Collection privée.

Statue Baoulé. Figure de maternité Baoulé assise sur un tabouret traditionnel, allaitant un enfant. Bois dur à patine. 
Collection privée.

Pagne africain.

Lances africaines.

Statuettes et masques

Dans cette collection d’objets donnés par Auguste Chevalier, on distingue : 

– Le masque antropomorphe du Ntomo (au centre). Population bamana. Datant du début du 20e siècle, en bois et fibres végétales. 
Le masque facial du Ntomo renvoie à un moment de l’enseignement obligatoire dispensé aux jeunes garçons non circoncis dans certaines sociétés d’Afriques de l’Ouest. Dans sa morphologie générale, la bouche discrète s’oppose au nez proéminent et le visage est surmonté de cornes. La figure féminine, debout entre les cornes, pourrait représenter Nyeleni, « la petite Nyele », « symbole de la femme idéale à laquelle aspirent les garçons après leur circoncision et leur initiation ».

 – les quatre autres statuettes féminines antropomorphes (sur les côtés de la planche). Population bamana. Surmontées d’une coiffure ovoïde en quatre pans.

– Les cinq statuettes antropomorphes pomdo (dans la partie basse). Population kissi Daté entre le 15e et le 19e. Pour ce peuple de l’actuelle Guinée, ces statuettes de pierre revêtaient l’idendité d’un dignitaire ou vieillard décédé récemment. Les Kissi leur conféraient des propriétés divinatoires ou protectrices pour leur nouveau gardien, fils ou petit-fils de l’ancêtre matérialisé dans la statue.

– un bracelet en pierre de la population Bamana.

 

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Cultures et jardins d’essais à travers le monde

 

En 1912 le Ministère des Colonies crée la Mission permanente d’Étude des Cultures et des Jardins d’essais coloniaux et Chevalier, qui a déjà fait plus de dix ans de terrain en Afrique, en est nommé directeur.

Il partira alors pour l’Indochine, Java, Ceylan. Il est chargé d’une mission d’inspection des jardins d’essais de l’Afrique Occidentale Française et de leur réorientation vers le développement de la culture des plantes fournissant les principales denrées coloniales : coton, cacao, café…

En 1913, il part en mission en Extrême-Orient dans le but de prospecter la flore, les cultures et les forêts d’Indochine. Il s’instruit dans les plus grands jardins botaniques du Moyen-Orient (Singapour, Buitenzorg, Peradenya) et dans les stations agronomiques les plus renommées à l’époque :

– Station du Café à Bangelan

– Station du Théier

– Station des Quinquinas

– Station de la Canne à sucre à Passeroan

– Station de l’Hévéa à Kuala-lumpur

– Le jardin expérimental de Heneratgoda à Ceylan

Il revient de ce long voyage en juillet 1914, avec tout un programme d’organismes à créer dans les colonies françaises.

Microscope d’Auguste Chevalier.

Un botaniste pendant la Première Guerre mondiale 

Lorsque la guerre éclate, Auguste Chevalier s’engage. Gallieni, ministre de la guerre, l’envoie à Menton, au centre de convalescence pour les tirailleurs sénégalais blessés où il crée, en 1915, le Comité d’assistance aux soldats coloniaux.

 

En 1917, il est appelé par M. Sarraut, Gouverneur Général de l’Indochine, pour réorganiser les services agricoles et forestiers de la colonie en vue d’accélérer les productions destinées au ravitaillement de la France.

 

Il reprend les prospections botaniques débutées en 1913 et crée en même temps l’Institut Scientifique de l’Indochine à Saïgon ainsi que l’extension de son jardin botanique.

Courriers officiels de reconnaissance du travail accompli par Auguste Chevalier et diverses cartes postales envoyés par le professeur lors de ses voyages.

Plateau en bois avec incrustations de nacre ramené d’Indochine par Auguste Chevalier et médailles obtenues par Auguste Chevalier au cours de sa carrière.

Poursuite des voyages et travail au Muséum

 

A son retour d’Indochine en 1919, il crée la Revue de Botanique Appliquée et d’Agronomie Tropicale, dont il assume la direction et une grande partie de la rédaction. C’est dans cette revue que paraissent ses études de synthèses : recherches sur les caféiers, monographie de l’arachide, ressources végétales du Sahara, notes diverses sur les acacias, sur les cacaoyers, etc.

 

Fin 1919, il se fixe au Muséum pour étudier les riches collections qu’il a rassemblées, mais il s’emploie aussi à faire vivre la Revue de Botanique Appliquée. La même année, il est promu Officier de la légion d’honneur.

 

En 1927, il réalise un séjour de deux mois en Algérie, en Tunisie et dans le Sahara. En 1928, il accepte une mission de trois mois au Brésil qui lui permet de comparer la végétation tropicale des trois grands continents : Afrique, Asie, Amérique.

 

En juin 1929, à 56 ans, il occupe la chaire d’agronomie tropicale, créée pour lui, au Muséum, poste qu’il conserve jusqu’à sa retraite en 1946.

Il installe dans son laboratoire d’agronomie coloniale sa collection de bois tropicaux et entreprend la rédaction d’un ouvrage d’ensemble sur ses travaux de botanique systématique et géographique en Afrique tropicale qui devait constituer la synthèse de ses recherches. Le tome 1 (360 pages) de ce grand ouvrage « Flore vivante de l’Afrique Occidentale » paraît en 1938.

« Ce qui fait l’originalité de cette flore, c’est que chaque description d’espèce est suivie de notes écologiques et d’observations faites par moi sur le vif (ce que l’on ne trouve pas habituellement dans les flores exotiques). 

Ce sera le seul tome à paraître sur les 8 ou 10 prévus, suite à l’évacuation de toutes ses collections d’herbiers, dans le Palais des herbiers du Muséum. N’ayant plus ses collections sous la main, il lui est impossible de continuer l’œuvre entreprise.

Explorez la vie et les dons effectués
par deux autres grands voyageurs

Pierre-Paul Rheinart

Pierre-Paul Rheinart (1840-1902),
grand officier colonial.

Georges Landais

Georges Landais (1845-1930),
voyageur infatigable et méconnu

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Découvrez en ligne l’exposition « Souvenirs de trois grands voyageurs domfrontais »